Pointeuse biométrique : quelle réglementation en entreprise ?

Publié le 05/09/2025                          Mise à jour le 05/09/2025

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Article écrit par Pauline De Marcos, Content Manager pour le Groupe Octime

Empreinte digitale, reconnaissance faciale, iris de l’œil… Longtemps réservées à des secteurs sensibles, les technologies biométriques s’imposent peu à peu en entreprise pour fiabiliser le pointage, sécuriser les accès et suivre les heures de présence. Mais derrière cette efficacité se cache un cadre juridique strict : ces dispositifs traitent des données sensibles, encadrées par le RGPD et la CNIL. Alors, une pointeuse biométrique est-elle autorisée en entreprise ? À quelles conditions ? Et existe-t-il des alternatives plus simples et conformes, comme le badgeage via un logiciel de gestion des temps

La pointeuse biométrique : de quoi parle-t-on ?

La pointeuse biométrique est un système de contrôle des temps ou des accès qui repose sur les caractéristiques physiques ou comportementales propres à chaque individu. Il peut s’agir d’empreintes digitales, de reconnaissance faciale, de l’iris de l’œil, de la voix, ou même de la démarche. Ces données, uniques à chaque personne, permettent d’identifier ou d’authentifier un salarié.

On distingue généralement deux modes d’utilisation :

  • L’authentification biométrique : le salarié présente une donnée (ex. son empreinte digitale) pour confirmer son identité, souvent en complément d’un badge.
  • L’identification biométrique : le système reconnaît automatiquement le salarié parmi l’ensemble des profils enregistrés, sans intervention supplémentaire.

Les objectifs peuvent varier selon les entreprises :

  • Le contrôle horaire : enregistrer précisément les heures d’arrivée, de départ ou de pause des collaborateurs.
  • Le contrôle d’accès : sécuriser l’entrée à des zones sensibles, comme des laboratoires, des serveurs informatiques ou des lieux de stockage.

Aussi modernes, rapides et efficaces soient-ils, ces dispositifs soulèvent une question essentielle : faut-il vraiment collecter et stocker des données aussi sensibles pour gérer les temps de travail ? Car si la biométrie présente des atouts indéniables, elle n’est pas sans conséquences sur le respect de la vie privée et la conformité aux règles en vigueur.

Cadre légal et position de la CNIL

La réglementation française et européenne considère les données biométriques comme des données sensibles, car elles sont uniques, inaltérables et non modifiables. À ce titre, leur traitement est strictement interdit par principe, sauf exceptions très encadrées.

RGPD : des obligations renforcées

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), en vigueur depuis 2018, impose un cadre juridique particulièrement rigoureux concernant le traitement des données biométriques, considérées comme sensibles.

En milieu professionnel, l’utilisation de ces dispositifs doit répondre à plusieurs conditions cumulatives :

  • Une base légale solide : le consentement libre et éclairé n’est pas suffisant en raison du lien de subordination entre employeur et salarié.
  • Un intérêt légitime impérieux : l’employeur doit démontrer qu’il existe une nécessité absolue d’utiliser la biométrie.
  • Le respect du principe de proportionnalité : la biométrie ne peut être utilisée que si aucune solution moins intrusive (badge, code, QR code, etc.) ne permet d’atteindre l’objectif visé.

La position de la CNIL

En France, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) considère les données biométriques comme des données personnelles particulièrement sensibles, car elles permettent l’identification unique d’un individu. Leur usage est donc strictement encadré.

Le recours à la biométrie pour contrôler les horaires des salariés est, en principe, interdit, car il existe des alternatives moins intrusives (badgeuses classiques, logiciels de gestion des temps, etc.).
La CNIL n’autorise son utilisation que dans des cas exceptionnels et justifiés, par exemple :

  • Pour sécuriser des zones sensibles (ex : laboratoire, datacenter),
  • Pour protéger des informations stratégiques,
  • Lorsque aucune autre solution technique ne peut garantir un niveau de sécurité équivalent.

La Commission rappelle également que la biométrie ne peut en aucun cas être mise en œuvre pour des motifs de confort de gestion, de commodité ou de productivité.

En cas de non-conformité, la CNIL peut intervenir. Elle a déjà prononcé plusieurs mises en demeure contre des entreprises ayant installé des pointeuses biométriques sans justification suffisante ni garanties de sécurité adéquates, soulignant l’importance d’une grande vigilance sur ce sujet.

Les conditions à respecter pour être en conformité

L’utilisation d’un dispositif biométrique en entreprise n’est pas libre : elle est encadrée par le RGPD et les recommandations de la CNIL. Pour être en conformité, l’entreprise doit répondre à plusieurs critères stricts.

Justifier une nécessité absolue et proportionnée

Avant toute mise en place, il est impératif de démontrer que le recours à la biométrie est absolument nécessaire. Cela implique de prouver que :

  • Aucune solution moins intrusive (badge, code PIN, QR code, application mobile…) ne permettrait d’atteindre le même objectif,
  • Le dispositif vise uniquement des zones ou fonctions sensibles, où le niveau de sécurité requis le justifie pleinement (ex. : laboratoire, site industriel, serveurs…),
  • Le traitement repose sur une base légale solide, autre que le simple consentement de l’employé, qui ne suffit pas à justifier ce type de traitement dans le cadre professionnel.

Réaliser une Analyse d’Impact (AIPD)

Avant toute mise en œuvre, une Analyse d’Impact relative à la Protection des Données (AIPD) est obligatoire. Elle permet de :

  • Identifier les risques pour les droits et libertés des personnes concernées,
  • Définir les mesures techniques et organisationnelles permettant de limiter ces risques,
  • Justifier la proportionnalité du traitement au regard de ses finalités.

L’AIPD doit être documentée, actualisée en cas de modification du dispositif, et tenue à disposition de la CNIL en cas de contrôle.

Informer clairement les collaborateurs

Les collaborateurs doivent être informés de manière claire et transparente notamment sur :

  • Les finalités du dispositif,
  • La base légale sur laquelle repose le traitement,
  • La durée de conservation des données biométriques,
  • Les droits dont ils disposent (accès, rectification, effacement, opposition),
  • L'identité et les coordonnées du Délégué à la Protection des Données (DPO).

Cette information peut être diffusée via une note de service, une mention dans le règlement intérieur, ou tout support facilement accessible.

Sécuriser les données biométriques

 Les données biométriques étant particulièrement sensibles, leur traitement doit respecter des normes de sécurité renforcées :

  • Chiffrement des données dès leur collecte,
  • Stockage local sécurisé, à éviter dans le cloud sauf garanties techniques spécifiques,
  • Accès strictement limité aux personnes autorisées,
  • Durée de conservation réduite au minimum nécessaire,
  • Utilisation de gabarits biométriques non réutilisables plutôt que de données brutes.

Cette liste constitue un socle essentiel, mais elle peut être complétée pour être totalement exhaustive selon les recommandations de la CNIL et le RGPD :

  • Traçabilité des accès et des opérations : journalisation et audit régulier des accès aux données biométriques,
  • Sécurisation des dispositifs physiques : protection des terminaux de collecte (capteurs, lecteurs biométriques),
  • Information et consentement des personnes concernées : informer clairement les utilisateurs et recueillir leur consentement explicite,
  • Tests et audits de sécurité réguliers : vérifier la robustesse du système et corriger les failles éventuelles,
  • Procédure en cas de violation de données : prévoir un plan d’action et une notification à la CNIL en cas d’incident.

Outils de gestion des temps et badgeage : une alternative fiable et conforme

Face aux contraintes juridiques que suppose l’usage de la biométrie en entreprise, de nombreuses organisations choisissent de s’orienter vers des solutions plus simples, plus souples… et surtout pleinement conformes au RGPD. Les logiciels de gestion des temps et des plannings et système de pointeuse, comme OCTIME, en sont une excellente illustration.

Des solutions modernes, sans recours à la biométrie

La solution OCTIME permet de gérer efficacement la présence et le temps de travail des salariés, sans avoir recours à des données biométriques. Le pointage peut s’effectuer de manière sécurisée via carte RFID ou encore, application mobile. Cette flexibilité s’adapte aux différents environnements de travail, qu’ils soient sur site, en multisites ou en mobilité.

Au-delà du simple pointage, OCTIME permet également de planifier les horaires, de suivre les absences, les congés, les heures supplémentaires, et de piloter les alertes RH (dépassements, seuils horaires, anomalies…). Tous les éléments sont centralisés et traçables, facilitant la gestion RH et la paie.

Pourquoi ces outils sont-ils plus conformes ?

Contrairement aux dispositifs biométriques, les solutions de badgeage ne traitent pas de données dites « sensibles » au sens du RGPD. Elles reposent sur des identifiants simples, associés à un profil utilisateur, sans que l’entreprise n’ait à collecter ni stocker des éléments aussi personnels qu’une empreinte ou une image faciale. Cela permet de rester dans un cadre légal clair, avec une mise en œuvre plus rapide et un consentement moins problématique.

Le tableau ci-dessous compare les deux approches :

Critère

Dispositif biométrique

Solution de badgeage 

Conformité RGPD

Très encadrée, traitement de données sensibles

Conformité native, pas de données sensibles

Nécessité d’une AIPD

Obligatoire

Pas nécessaire dans la plupart des cas

Consentement du salarié

Peu valable juridiquement

Facile à obtenir ou non requis

Acceptation sociale

Parfois perçue comme intrusive

Généralement bien acceptée

Complexité technique

Installation, sécurité, chiffrement

Déploiement plus simple et rapide

Risques juridiques et réputationnels

Élevés en cas de manquement

Faibles si le traitement est bien cadré

Souplesse d’usage

Limitée aux postes fixes

Compatible avec le travail en mobilité

Bonnes pratiques pour rester en conformité

Au-delà des obligations réglementaires, certaines bonnes pratiques permettent de renforcer la conformité des dispositifs biométriques, de limiter les risques techniques et juridiques, et de garantir une gestion responsable des données personnelles.

Réévaluer régulièrement la pertinence du dispositif

La biométrie ne doit pas être choisie par confort ou effet de mode. Avant toute mise en œuvre, puis régulièrement, l’entreprise doit notamment vérifier si le niveau de sécurité exigé est toujours justifié, si l’usage reste proportionné, et si des solutions moins intrusives (badge, code, application mobile…) sont désormais disponibles.
Cette réévaluation, intégrée aux audits internes, permet de s’assurer que le traitement reste pertinent dans le temps.

Associer les bons interlocuteurs dès le début du projet

La réussite et la conformité d’un projet biométrique passent par l’implication des bonnes parties prenantes dès les premières réflexions. Le DPO (Délégué à la Protection des Données) ou le référent RGPD doit être étroitement associé au processus. Son rôle est d’évaluer les risques et la légitimité du traitement, de piloter ou superviser l’analyse d’impact (AIPD), et de veiller à l’information des salariés. Il contribue également à la bonne tenue du registre des traitements.

Documenter chaque étape du projet

Pour démontrer sa conformité en cas de contrôle ou de contestation, l’entreprise doit pouvoir retracer l’ensemble des décisions prises. Cela suppose de documenter précisément les finalités du traitement, la base légale retenue, les mesures de sécurité appliquées, ainsi que la durée de conservation des données. Les procédures internes permettant aux collaborateurs d’exercer leurs droits doivent également être formalisées.

Renforcer la sécurité du dispositif

Le traitement de données biométriques impose des protections renforcées. Il est essentiel de prévoir une politique claire d’effacement des données (en fin de contrat ou en cas de changement de poste) et de limiter leur accès à un nombre restreint de personnes habilitées, via une authentification forte.
L’entreprise doit privilégier les dispositifs qui ne stockent pas les données brutes, mais des gabarits non réutilisables. Un plan de gestion des incidents, avec notification à la CNIL et aux salariés concernés en cas de violation, doit également être prévu.

Sensibiliser les employés

La transparence envers les employés est un principe fondamental du RGPD. Il est important de les informer clairement sur les objectifs du dispositif biométrique, la nature des données collectées, leur durée de conservation et leurs droits. Cette information peut prendre la forme d’un affichage, d’une note de service ou être intégrée au règlement intérieur.

Assurer une veille réglementaire continue

Le cadre juridique de la biométrie évolue rapidement, sous l’impulsion de la CNIL, de la jurisprudence et des ajustements du RGPD. Pour rester en conformité dans la durée, les entreprises doivent se tenir informées des nouvelles recommandations, adapter leurs dispositifs si nécessaire, et réévaluer régulièrement la légitimité et la proportionnalité de leurs traitements.

La mise en place d’une pointeuse biométrique en entreprise doit être mûrement réfléchie et encadrée par des mesures strictes de conformité. Respecter la réglementation, informer les salariés, sécuriser les données et privilégier la transparence sont les clés pour bénéficier des avantages de la biométrie tout en limitant les risques. Il est essentiel de s’entourer de conseils juridiques et techniques pour garantir la conformité du dispositif et préserver la confiance des collaborateurs.

Les informations contenues dans cet article sont fournies uniquement à titre informatif et ne constituent pas un avis juridique. Bien que nous nous efforcions de vous fournir des informations exactes et à jour, nous ne garantissons pas l'exactitude ou l'exhaustivité des informations présentées. Pour des conseils personnalisés et adaptés à votre situation spécifique, nous vous recommandons de consulter un professionnel qualifié (avocat, juriste, consultant RH…).