Jurisprudence sur les pointeuses : ce que les entreprises doivent retenir

En France, la jurisprudence concernant les pointeuses (badgeuse physique et système de pointage à distance, système de pointage à distance pour les salariés) vise à faire respecter les droits des salariés, sans pour autant impacter les intérêts des entreprises. Elle évolue sans cesse, puisqu'elle s'accorde aux décisions rendues par les tribunaux français et européens. Ces derniers tendent à renforcer les obligations de l'entreprise quant au décompte du temps de travail.

Les obligations relatives au pointage des heures

Les tribunaux ont établi les principes directeurs qui encadrent l'utilisation des systèmes de pointage, ce qui tend à clarifier les droits et obligations de l'employeur et des salariés.

La jurisprudence européenne

L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019 impose aux États membres d'obliger les employeurs à mettre en place un système capable de mesurer la durée du temps de travail journalier de chaque travailleur de manière objective et fiable. Les États membres conservent néanmoins une certaine liberté pour définir "les modalités concrètes de mise en œuvre d'un tel système, en particulier la forme que celui-ci doit revêtir, et cela en tenant compte, le cas échéant, des particularités propres à chaque secteur d'activité concerné, voire des spécificités de certaines entreprises, notamment leur taille".

La valeur probante des données de pointage

La Cour de cassation a reconnu la valeur probante des données issues des systèmes de pointage et le caractère implicite de l’accord de l’employeur dans certaines circonstances. Les listings de pointage ont été jugés comme ayant une valeur probante équivalente aux constatations directes de l’inspecteur du travail, notamment lorsqu’ils sont produits par l’employeur lui-même. En effet, la Cour de cassation a précisé que "la valeur probante des constatations de l’inspecteur du travail s’étend à celles qui résulteraient des documents fournis par l’employeur", c'est-à-dire que les observations de l’inspecteur basées sur ces documents postérieurs à ses visites ont la même validité que celles réalisées sur place.

La charge de la preuve dans les litiges sur le temps de travail

La jurisprudence a progressivement clarifié la question de la charge de la preuve en matière de litige sur le temps de travail. Si le salarié doit d'abord apporter des éléments de nature à étayer sa demande (agendas, courriels, témoignages), l'entreprise, qui dispose des moyens de contrôle du temps de travail, doit ensuite produire des preuves contraires (relevés horaires, pointages fiables) pour justifier les horaires déclarés, conformément au Code du travail.

Comment se servir des données d'une pointeuse en cas de litige ?

Considérées comme des preuves légitimes par la Cour de cassation, les données de pointage doivent obligatoirement provenir d'un système fiable et infalsifiable. Les entreprises doivent s'assurer que leur système permet un enregistrement automatique des données horaires et qu'il ne peut être manipulé, car en cas de litige, ces données servent au calcul des heures supplémentaires, ou à justifier certaines sanctions disciplinaires (retards, absentéisme, etc.).

L'acceptation tacite des heures supplémentaires

Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation a estimé que la mise en place d’un logiciel de pointage informatisé équivaut à un accord implicite de l’entreprise pour les heures supplémentaires enregistrées. Selon la loi, l’employeur, informé par les relevés du système, ne peut ignorer les dépassements horaires et doit réagir explicitement s'il souhaite les contester. Celui-ci doit prouver son refus des heures supplémentaires ou démontrer qu’elles n’étaient pas nécessaires. En l’absence d’une telle preuve, les heures enregistrées par le système de pointage sont présumées acceptées. Pour éviter cette situation, les entreprises peuvent paramétrer leur outil de badgeage pour recevoir des alertes en temps réel dès lors qu'un salarié dépasse son temps normal de travail, et documenter les refus d'autorisation. 

Les sanctions en cas de non-respect des obligations de pointage

Une entreprise qui ne comptabilise pas précisément le temps de travail de ses salariés (système de pointage ou registre papier), s'expose conformément à l'article R3173-1 du Code du travail, à une amende administrative de la quatrième classe (jusqu'à 750 € pour une personne physique et 3 750 € pour une personne morale) pour chaque salarié concerné. Lorsque l'entreprise met en place un système de pointage, elle doit donc veiller à ce que le système mis en place soit conforme aux règles. De plus, elle est tenue de conserver les données de pointage de son effectif pendant 5 ans, sous peine de sanctions en cas de contrôle. En cas de litige, les prud'hommes peuvent être saisis, et c’est à l’employeur de prouver les horaires réellement travaillés par le salarié.

Le salarié qui ne respecte pas les obligations de pointage peut, en premier lieu, recevoir un avertissement disciplinaire en cas d'oubli répété. Toutefois, aucune retenue sur salaire n'est possible. Si le refus de pointer est volontaire et récurrent, des sanctions disciplinaires peuvent être appliquées : elles peuvent aller jusqu'au licenciement pour cause réelle et sérieuse. En cas de fraude avérée, comme la falsification des horaires, le licenciement pour faute grave peut être prononcé. Par ailleurs, le salarié peut être tenu de récupérer les heures non pointées si l'employeur le demande.

Des sanctions pécuniaires interdites à l'encontre du personnel

Un point important souligné par la jurisprudence concerne l'interdiction des sanctions pécuniaires en cas d'oubli, de fraude ou d'omission de pointage. Le Code du travail prohibe toute sanction pécuniaire à l'encontre du personnel, y compris les retenues sur salaire motivées par des fautes professionnelles, des oublis ou des fraudes présumées. Cette interdiction ne signifie pas pour autant que l'employeur est démuni face aux abus. La seule exception admise est la faute lourde, qui permet à l’entreprise de réclamer réparation financière via une action en responsabilité civile, mais pas par le biais d'une retenue unilatérale sur salaire. Les oublis, fraudes ou omissions de pointage, quant à eux, ne sont pas considérés comme une faute lourde au sens juridique, sauf preuve d’une intention malveillante. En cas de litige, les juges ordonnent le remboursement intégral des sommes retenues et annulent la sanction.

Un système de pointage adapté aux particularités de l'entreprise

La loi impose aux employeurs le décompte précis des heures travaillées, une obligation qui s’applique même pour le personnel en télétravail ou en déplacement (sauf exceptions sectorielles). C'est pourquoi, un outil de gestion des temps proposant différents type de badgeage comme OCTIME, est un bon moyen de gérer plusieurs modes de pointage selon les différents profils de collaborateurs : badgeuse physique pour les équipes sur site, application mobile pour les salariés en déplacement ou en télétravail, ou encore pointage via un portail web pour plus de liberté. Le transfert automatique des données de pointage vers un logiciel de gestion des temps garantit la fiabilité des informations relatives aux horaires, assure la conformité des compteurs d’heures, congés et absences, et facilite le suivi pour les managers et les services RH. Le système de pointage doit être objectif et fiable, ce qui implique une interopérabilité technique avec les outils RH existants (plannings, gestion des absences) pour garantir la traçabilité des données. Les particularités sectorielles doivent ainsi être prises en considération, conformément à la marge de manœuvre laissée aux États membres dans l’implémentation des systèmes de pointage. 

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